Tu fais un métier passionnant, l’émotion doit être à son paroxysme.
Est-ce que parfois c’est compliqué pour toi ?
Bonsoir à tous,
J’espère que votre rentrée s’est bien passée, que les enfants ont bien repris le chemin de l’école et que les grands-parents se reposent bien après avoir gardé les petits monstres, le cas échéant !
Ce mois-ci, newsletter spéciale : seulement le coin métier à la suite de cette remarque et de cette question en titre, qui méritent toute notre attention. Bon, et aussi parce que je me suis éparpillée et que je n’ai pas terminé un seul livre et que je n’ai pas réfléchi au geste du colibri.
Cela reviendra (normalement) le mois prochain !
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Tu fais un métier passionnant, l’émotion doit être à son paroxysme.
Est-ce que parfois c’est compliqué pour toi ?
Un peu de contexte pour ceux qui ne me suivent sur aucun réseau…
Cette question m’a été posée par Corinne, sous une publication que j’ai postée sur LinkedIn (et pour une fois aussi sur Facebook) la semaine dernière, lors de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer.
Avec mes excuses pour ceux qui connaissent l’histoire, j’explique !
Actuellement, je travaille pour Joëlle, dont la maman a été placée en EHPAD parce qu’on lui a diagnostiqué la démence à corps de Lewy. Cette maladie est “un monstre” - pour reprendre les mots de Joëlle - qui est un savant mélange entre la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson.
À l’entrée de sa maman en institution, elle a commencé à noter dans un bloc-notes le nom des infirmières, des médecins et des médicaments pour ne rien oublier. Et petit à petit, elle y a rajouté ses impressions, émotions et la description de ce que sa maman vivait. Elle a aussi noté ce que vivait son papa, qui est lui aussi venu en EHPAD pour ne pas être séparé de son épouse, bien que ne pouvant être dans la même chambre compte tenu de la maladie de celle-ci et des dangers qu’elle générait.
Aujourd’hui, elle veut compléter ses notes et les rendre lisibles pour tenter de faire publier le livre et recueillir des fonds pour la recherche contre cette maladie méconnue.
À la suite de ce partage, Corinne m’a fait cette remarque, posé cette question, qui nous amène au cœur de la posture du biographe.
Des choses générales…
Tel un psychologue, un médecin, une assistante sociale ou encore une assistante de vie à domicile, c’est ici la question de la juste distance qui se pose. Comme dans tout métier humain, en réalité.
Le biographe, lorsqu’il recueille le témoignage à mettre en mots est réellement dans ce que l’on appelle “l’empathie”, il se met à la place du narrateur, mais n’est pas la personne elle-même et ne peut se permettre d’absorber tout le chagrin qu’il perçoit ; il est témoin privilégié, mais est à côté, pas avec la personne dans sa vie.
Il n’empêche que quand des faits décrits sont innommables, ce n’est pas toujours facile et c’est pourtant nécessaire, pour ne pas influencer le récit de la personne. Le biographe ne doit pas imprimer ses propres sentiments dans le livre : il doit être neutre.
Le biographe est “juste” le transcripteur (avec de la mise en récit et de la mise en forme, on est bien d’accord !) du témoignage du narrateur, qui sera l’auteur du livre.
Cela touche un point important abordé par Boris Cyrulnik dans plusieurs textes, mais aussi dans une conférence dans laquelle j’ai été surprise de l’entendre évoquer mon métier !
Pour le neuropsychiatre, il est justement important de relater les événements douloureux (en vue de les transmettre à la famille notamment) à un biographe tiers, qui les écrira, plutôt que directement aux membres de la famille.
Le biographe, bien qu’empathique, n’a pas “d’affect”, de lien préexistant avec les personnes qui font réaliser leur biographie ; ils ne lui transmettent pas le traumatisme comme s’ils racontaient cela directement à leurs enfants ou petits-enfants. Et ceux-ci découvriront l’histoire par écrit et non par voie orale, ce qui change beaucoup de choses aussi (même si ça ne laisse pas indemne, on est bien d’accord).
Cela nécessite par contre que le biographe soit lui aussi au clair (autant que possible) avec sa propre histoire pour pouvoir recevoir celle des autres. Comme dans beaucoup de métiers liés à l’humain et à l’écoute !
(Attention, je n’ai aucune expertise en neurosciences, ni en psychologie.)
…et une vision personnelle !
En ce qui me concerne, même si je ne vais pas rentrer dans les détails ici, la vie a mis sur mon chemin l’occasion de me mettre assez au clair avec mon histoire et j’ai l’habitude de dire qu’avant, j’aurais fait une bien piètre biographe !
Oui parce qu’avant, dans mon bureau de conseillère dans une banque, il m’est arrivé de pleurer avec des clientes (cela a dû arriver deux fois je pense, il y en a une qui m’a marquée vraiment) dont les histoires m’avaient particulièrement touchée et pour lesquelles j’avais l’impression de jouer ma propre vie dans leur achat immobilier ! Même si je ne pense pas avoir fait prendre de mauvaises décisions ni pour lesdites clientes ni pour la banque, je n’étais quand même plus vraiment à ma place, plus dans la sympathie que dans l’empathie, il faut bien le dire.
Et puis, j’ai fait du ménage, mené une “légère” introspection, et je suis plus en capacité d’écouter.
Pour moi, aussi, je répondrais que même si “l’émotion est à son paroxysme” :
1/ Une fois que je pars de chez le narrateur, je “passe à une autre histoire”.
2/ J’ai la chance de déposer ces émotions dans un texte qui n’est pas le mien mais celui du narrateur et je le lui restitue.
3/ J’ai des missions qui ne sont pas des récits de vie (d’où mon choix de travailler aussi la correction et les biographies d’entreprise).
Ce qui peut être plus difficile justement, c’est de partir en laissant le narrateur dans les pensées de son histoire.
Ou, comme j’ai eu malheureusement le cas, de perdre le narrateur en cours d’histoire. Je suis alors devenue partie prenante de son récit. Mais c’est un autre sujet.
Petit résumé, Corinne et vous autres lecteurs : non, finalement, ce n’est pas compliqué pour moi même si je suis souvent émue (parce que très sensible en plus), car j’ai vraiment évolué avant d’embrasser cette carrière.
Mais peut-être que mes confrères et consœurs ont un autre point de vue ! Alors, qu’ils n’hésitent pas à le partager.
Et petite précision qui a toute son importance : nous ne faisons pas qu’écrire des moments tristes non plus !☺
Et si vous aussi, vous avez des questions auxquelles je pourrais répondre dans le coin métier, ne vous gênez pas, posez-les moi !
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